Réflexions
8 avril 2020
Étrangère
Pourquoi je me sens si étrangère? Pour plusieurs raisons mais tout est question d’identité. Mettre en mots ce sentiment est un travail laborieux, même si dans ma tête, tout est limpide. Malgré la gêne, je souhaite ardemment partager avec vous ce sentiment, celui qui m'a forcé à mener une vie différente. Pour continuer à l'accepter, pour inspirer celles qui refusent de lui faire une place. Parce qu’en chacune de nous, j’en suis convaincue, se cache une petite étrangère. Je me lance donc ainsi...
Je me sens étrangère pour plusieurs raisons mais tout se rattache à l'identité. C’est quoi être une femme? On commence par être une petite fille. C'est plutôt facile. On va à l’école, on a des copines, on s’amuse, on rigole. Aucune question à se poser. Du moins, presque pas.
Ensuite, on devient une adolescente. Les problèmes surviennent tranquillement, sournoisement. On se transforme. Le corps change, l’esprit aussi. On jongle avec les émotions. Parfois négatives. Souvent.
D’adolescente, on passe à jeune adulte. La vingtaine. Les années folles! Un retour à l’enfance le temps d’un moment. Avant de devenir grande. La carrière commence à devenir importante. On détermine plus clairement ce qu’on veut faire plus tard. Mieux encore, ce qu’on veut être. On se sent invincibles. On affronte la vie avec une vivacité désarmante. Comme s’il n’y avait pas de lendemain. On ne sait jamais!
Et un beau jour, la trentaine se pointe le bout du nez. En crise. Elle nous informe qu’on est désormais devenue une femme. Enfin! Une pression s’installe. Au départ, de façon subtile, mais avec les années, elle s'accentue. Elle insiste même. Sans gêne. Maladroitement. Être femme ce n'est pas suffisant. Tu dois devenir un maman. Voilà ce que la société veut de toi.
Tu fais donc comme tout le monde, tu succombes à la pression. Pour être normale. Mais malheureusement, la vie en décidera autrement. Tu ne seras jamais maman. Les réunions familiales ne sont plus les mêmes. On parle d’enfants mais tu t’éloignes, car de toute façon tu n’y comprends rien. Ton entourage entier devient maman. Volontairement, tu décides de couper certains ponts. Pour soulager les plaies. Les marques sont invisibles mais elles sont là. Malgré tout, tu restes forte. Par orgueil.
Avec le temps, ces marques ont fini par disparaître mais elles ont sculpté des reliefs à mon identité. Des reliefs déchiquetés. Des contours sinueux. Un deuil j’ai dû faire, des choix j’ai dû confrontés, des décisions j’ai dû prendre. Pour le meilleur et pour le pire. Je sais, je n’ai pas été facile à suivre. Pardonnez-moi, je cherchais mon identité. Pour remplacer celle qu’on nous revendique.
Aujourd’hui, je décide d’assumer celle que j’ai au final toujours été. Celle qui se cachait tout au fond de moi. Sûrement que la vie, elle, avait tout compris!
Étrangère, donc je suis. À 40 ans. Pour l’instant.