Vivre dans une zone bleue

J’ai toujours été passionnée par la nutrition, la bonne alimentation et les habitudes de vie bénéfiques à la santé. Le sujet des zones bleues me fascine et m’interpelle depuis quelques années déjà. Nous n’avons pas choisi de déménager à Playa Avellanas pour cette raison mais disons que nous sommes plutôt bien tombés ;) 

Peu de gens connaissent le concept des zones bleues. C’est pourtant depuis le début des années 2000 que la classification est apparue dans le vocabulaire scientifique. Un universitaire italien et un démographe français avaient alors découvert dans un village de Sardaigne, la plus forte concentration de centenaires connue dans le monde. Des travaux soutenus par Dan Buettner du National Geographic ont ensuite vu le jour. Échelonnés sur plusieurs années, ces travaux ont permis d’identifier d’autres zones où la concentration de centenaires était considérable; la longévité combinée avec la vitalité et la bonne condition physique étant les principaux critères de recherche. 

Après une décennie de compilation de données, cinq zones ont finalement été identifiées :

  1. L’île Icarie en Grèce;
  2. La communauté adventiste de Loma Linda en Californie;
  3. La région Ogliastra en Sardaigne, Italie;
  4. L’île Okinawa au Japon;
  5. La péninsule de Nicoya au Costa Rica.

Les recherches ont démontré que toutes ces zones bleues partagent neuf habitudes de vie spécifiques, contribuant ainsi au haut taux de longévité observé. On les appelle en anglais “The Power 9”

  1. Bouger naturellement;
  2. Avoir un but dans la vie;
  3. Réduire la cadence;
  4. Manger à 80% de sa faim;
  5. Avoir une alimentation basée autour des végétaux;
  6. Boire du vin modérément, avec un repas et/ou entre amis;
  7. Avoir un sentiment d’appartenance;
  8. Mettre la famille au premier plan;
  9. Partager un réseau.

Le quotidien des personnes âgées et des centenaires de notre région, la péninsule de Nicoya, est d’une simplicité majestueuse : profiter du soleil, boire de l’eau fortement calcaire (bijou de la péninsule qui aiderait à la santé du coeur et des os), rester actif par le travail manuel, partager des moments en famille, manger léger en intégrant la courge, le maïs et les haricots, avoir la foi, s’impliquer dans la communauté. Ces petites habitudes de vie jouent un grand rôle dans le vieillissement doux et ralenti de la population des environs. Mais derrière tout cela, il y a un fort sentiment d’utilité qui alimente la population vieillissante. Ce sentiment, appelé plan de vida, est une raison de vivre qui les garde actifs dans leur communauté et au sein de leur famille. C'est une culture du bonheur et de la résilience, concentrée sur les traditions ancestrales, loin des sources de stress.

De nos jours, on parle beaucoup des déserts alimentaires; ces régions où il est difficile de se procurer des aliments sains, nutritifs et abordables. Ces déserts ont un grand impact sur la santé des populations modernes, contribuant énormément à l’augmentation du surpoids et de l’obésité. Quand on analyse de près les cinq zones bleues, on vient rapidement à la conclusion que ce qui les unit autrement, d’un point de vue géographique, c’est leur isolement. Quatre zones sur cinq sont une île ou une péninsule. Certes, c’est une autre époque, mais il m’apparaît que l’isolement a plutôt renforcé les anciennes générations des zones bleues. L'agriculture locale, la vie en autarcie, l'entraide, le sens de la communauté, la débrouillardise, le travail manuel, le rythme de vie ralenti ont permis aux aînés de vieillir en santé. 

Vivre dans une zone bleue m’inspire et me donne encore plus de raisons de poursuivre ma quête de la santé, qu’elle soit physique ou mentale, surtout après avoir affronté un cancer du sein l’an dernier. Bien me nourrir, jeûner de façon intermittente le plus souvent que possible, faire de l’exercice physique plusieurs fois par semaine, jardiner, être en connexion avec la nature, méditer, suivre le cycle du soleil, voilà mon style de vie depuis l’expatriation. Peut-être ennuyant pour certains, mais immensément bénéfique pour le corps et l’esprit. 

Nos sociétés ultra-modernes devraient aussi s’en inspirer. Pour améliorer la santé des gens, pour changer les mentalités, et par la bande, aider les systèmes de santé publique qui sont en train de se disloquer partout dans le monde. Dan Buettner, dans son documentaire consacré aux secrets des zones bleues, diffusé sur Netflix en 2023, prouve qu’il est possible de créer de nouvelles zones bleues dans le monde, quand autant les citoyens que les autorités en place, sont déterminés à changer et à améliorer les modes de vie. 

Maintenant, il ne reste qu’à espérer que la zone bleue de Nicoya perdure dans le temps. Malgré l’influence que les aînés peuvent avoir au sein des membres de leur famille, je suis à même de constater que la modernité alimentaire est belle et bien installée au Costa Rica : rangées d’épicerie remplies de sucreries, de croustilles et de boissons gazeuses, aliments transformés, prêts-à manger, fast-foods de marques internationales, comptoirs à emporter de poulet frit à tous les coins de rue, dépanneurs régionaux ne vendant que des sucreries, publicités et marketing de malbouffe. Il n’est donc pas surprenant que l’obésité, le taux de diabète et les maladies coronariennes soient en hausse. De récentes projections de l’Organisation mondiale de la santé établissent que le Costa Rica pourrait se classer au troisième rang des pays ayant les taux de surpoids et d'obésité les plus élevés d’ici 37 ans! Les autorités sanitaires considèrent désormais les pathologies associées au surpoids et à l’obésité comme une épidémie et un réel problème de santé publique. Si on ajoute à la modernité alimentaire, la diminution de l'activité physique, l’augmentation du temps passé devant les écrans, l’individualisme et la baisse du sentiment d'appartenance à une communauté, tout se met en place pour voir une disparition inéluctable de la zone bleue costaricienne. Pour les autres zones dans le monde, je serais curieuse d’en savoir plus sur le fossé qui sépare le mode de vie des aînés et celui des jeunes d’aujourd’hui. Mais malheureusement, je m’imagine un peu le même scénario. 

Plutôt que d’améliorer la condition des gens, la globalisation et la modernité alimentaire nous amènent vers une abondance de produits transformés, une baisse des contrôles sociaux, un manque de prévention de la part des instances, une surutilisation des pesticides et d’herbicides par les agriculteurs avides de profits, une inflation des prix sur les produits sains et de bonne qualité, une augmentation des fraudes alimentaires, une multitude des discours diététiques contradictoires, une pléthore de restaurants, les centaines d’émissions culinaires qu’on ne fait qu’écouter; pour le plaisir des yeux, plus que du palais. Sans oublier de mentionner les multiples livres de cuisine édités, souvent d’auteurs et d’autrices inconnus, parce que tout le monde rêve d’écrire un livre de recettes…

Inspirons-nous du mode de vie des zones bleues pour revenir à la base; cuisiner, jardiner, encourager l’agriculture locale, manger de saison, manger moins, éliminer les produits transformés, manger plus de protéines végétales, boire modérément, partager des moments en famille et entre amis, s’impliquer dans sa communauté, marcher, travailler de ses mains, prendre de l’air, profiter des rayons de soleil, prendre du recul, se reposer, vivre simplement. 

Changeons nos sociétés une habitude de vie saine à la fois, parce que la santé physique et mentale, c’est l’assise de tout. Entre-temps, allez jeter un œil à la série documentaire de quatre épisodes ci-haut mentionnée “Live to 100: Secret of the Blue Zones”. Captivante et bien réalisée, elle ne prendra que peu de votre temps et pourrait transformer votre santé.

Crédit photo : @jonasbuehler

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Je m'appelle Joëlle et je suis une expat basée à Playa Avellanas au Costa Rica. Je partage mes réflexions d'étrangère et j'écris sur la vie que j'ai choisie, celle dont j'ai tant rêvée. Suis-moi dans cette belle aventure et découvre ton étrangère à toi.