Quand le sentiment de culpabilité s'installe

Il n’y a rien que je trouve plus difficile que de vivre avec la peur de déplaire. Je déteste les conflits et les malaises. Je les évite plus que tout. Cette peur de déplaire fricote même avec une extrême empathie que je ressens envers l’autre. Cela peut souvent avoir raison de moi, de ce que je pense, de ce que je suis, de ce que je désire. 

Comme je le mentionne dans un texte précédent, penser à déménager à l’étranger c’est une chose, le réaliser en est une autre. La charge mentale est énorme. Ce n’est pas seulement tout planifier minutieusement. C’est réaliser que tu quittes ton pays, que tu abandonnes ta famille. Je sais, le mot est fort, mais c’est de cette façon que je l'ai vécu et que je le vis encore par moments. Quand je réfléchis trop.

Dès que le projet d’achat de Vida Verde s’est mis en branle, j’ai l'ai tenu secret auprès de ma famille. Au départ, je voulais leur éviter des soucis, sachant surtout qu'il pouvait ne pas se réaliser. À partir du moment où j’ai su que mon rêve allait enfin se réaliser, j'ai continué de retarder l'annonce. Ce n’était même pas une question d’attendre le bon moment. C’était de la peur pure et simple. Peur de faire de la peine. Peur de décevoir. 

Un sentiment de culpabilité avait aussi pris racine. Peut-être que ma décision allait briser quelque chose? Et si on m’en voulait de choisir cette vie? De ne plus être présente physiquement pour mon neveu et ma filleule. D’être absente aux festivités, celles de Noël mais aussi aux anniversaires des enfants. De ne plus être à proximité de mes parents si un souci de santé survenait. Pendant des mois, j’ai angoissé sur leur possible réaction à l'annonce de mon départ, je me suis rongée d’inquiétude et de remords.

Tout juste à l'aube de fêter mes quarante ans, un soir neigeux de novembre, j'ai eu une illumination. J’allais bientôt avoir cinquante ans moins dix ans! Comme si je prenais enfin conscience que je n’étais plus une petite fille, que j’étais une adulte avec une vie bien à elle, que je ne devais plus rien à personne. Que je pouvais ressentir une certaine tristesse à m’expatrier mais que le projet de Vida Verde était tout ce que j’ai toujours voulu. Que je devais donc arrêter de me sentir coupable pour une décision qui m’appartient. Même si c’est la plus déchirante que je n’ai jamais prise. C’est difficile à expliquer mais le fait de ne pas avoir d’enfants, donc ma propre famille, me ramène directement à mes parents et à mon frère. Comme si je devais leur rendre des comptes. Comme si leur assentiment était nécessaire.

Jamais, il ne m’a traversé l’esprit qu’au contraire mes parents et mon frère seraient heureux pour moi. Même fiers de ce que j’accomplis. Parce que ce n’est pas donné à tout le monde de partir vivre à l’étranger. De quitter tout ce qu'on a toujours connu. Au final, j’ai été lâche. J’aurais pu tout dire dès le départ, à la genèse même du projet. Leur mots d’encouragement auraient rapidement apaisé mes craintes. Ils auraient pu m’accompagner dans toutes les étapes du projet d'acquisition. Le cheminement de l’expatriation aurait sûrement été différent. Il y aurait certainement eu beaucoup moins de réflexions et de remises en question. Aussi beaucoup moins de temps à ressasser le sentiment de culpabilité et le besoin de justification. Mais ce blogue n’aurait peut-être jamais vu le jour...

Aujourd’hui, je n’assume pas encore totalement. Le souffle me manque et mes yeux se remplissent d’eau quand je pense trop aux adieux et au moment du départ. Je sais que ce sont des émotions normales. Mais, je ne dois pas les anticiper. Je dois les vivre sur le moment. Surtout, je dois me rappeler sans cesse que je suis maîtresse de mon existence. Que la liberté, c’est de pouvoir choisir sa vie. Même si cette dernière est atypique.

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Je m'appelle Joëlle et je suis une expat basée à Playa Avellanas au Costa Rica. Je partage mes réflexions d'étrangère et j'écris sur la vie que j'ai choisie, celle dont j'ai tant rêvée. Suis-moi dans cette belle aventure et découvre ton étrangère à toi.